De l'esquisse à l'aquarelle
Tout débute par le dessin ! Dans cette esquisse au crayon, Friedrich Wilhelm Moritz commence par croquer le lieu qui l’inspire. A l’instar du couple qui s’est arrêté dans la galerie, on imagine aisément l’artiste assis, son carnet d’esquisses sur les genoux. En quelques traits, la galerie d’Algaby sur la route du col du Simplon prend forme.
Parfois l’esquisse est suivie d’une aquarelle plus élaborée. A cet effet, Friedrich Wilhelm Moritz exploite sciemment sa palette de couleurs. En plaçant la galerie d’Algaby dans l’ombre, il illustre à la fois l’agréable fraîcheur de l’intérieur et la chaleur estivale qui règne sur la vallée en arrière-plan.
Du dessin à la gravure
La plupart du temps, on élaborait des dessins pour servir de base à une estampe. A cet effet, les artistes voyagaient souvent. Pour son œuvre principale, constituée de plusieurs séries de vues de lacs suisses, Johann Jakob Wetzel visita tout le pays vers 1820. Sur la base de ses impressions, il composa un total de 137 dessins, la plupart du temps des lavis à la sépia, qui serviront par la suite de modèles aux graveurs.
La vue par Johann Jakob Wetzel du château Sainte-Anne, au-dessus de Rorschach, fut transposée à l’aquatinte par le graveur Franz Hegi et publiée chez Orell & Füssli dans la série Voyage pittoresque au lac de Constance. Dans le cas présent, l’aquatinte a été ensuite rehaussée à l’aquarelle et pourvue d’une bordure à l’encre de Chine.
La transposition du motif
Ce dessin préalable pour une gravure au trait de Sigmund Freudenberger permet d’illustrer la procédure de transfert d’un sujet sur la plaque de métal. Le dessin au crayon sur papier vergé n’indique que les contours du sujet. Pour faciliter le transfert, on a recours à un quadrillage : les lignes contenues dans chaque carré sont ensuite reproduites puis gravées sur la plaque.
Après l’impression à l’encre noire de la gravure au trait, la feuille Les Chanteuses du Mois de Mai de Sigmund Freudenberger a été soigneusement coloriée à la main. Le coloriage des feuilles était confié à des employés souvent anonymes des ateliers.
D'après nature ou inventé ?
Les peintres ne réalisaient pas toujours leurs paysages d’après nature. C’est ce que montre ce dessin à la plume et au lavis de Johann Ludwig Aberli. S’inspirant de la peinture sur porcelaine de son époque, l’artiste propose au spectateur un paysage inventé.
Paternité artistique
Les estampes sont traditionnellement accompagnées d’informations textuelles (parfois abrégées) en latin, en français, voire dans d’autres langues vernaculaires. Elles indiquent la paternité artistique. Le nom du peintre ou du dessinateur qui a conçu le motif est suivi de pinxit ("a peint"), delineavit ou figuravit ("a dessiné"). Celui du graveur précède incisit ou sculpsit ("a gravé"). On retrouve parfois les termes plus généraux fecit ("a fait") ou encore invenit ("a inventé"). Le nom de l’éditeur est quelques fois accompagné du terme excudit ("a fabriqué").
Une touche de couleur
Cette vue du lac de Sarnen a été imprimée en deux couleurs : le premier plan à droite en noir et le lac, l’arrière-plan et le ciel à l’encre bleue. Les gravures étant fréquemment destinées à être coloriées, on comprend le gain de temps qu’une telle mesure permet.
Simplement un peu de vert pour les arbres et les pâturages ainsi que quelques touches de marron permettent de transformer radicalement l’image bicolore initiale. A tel point que le spectateur en oublie la gamme chromatique restreinte. On notera également la bordure à l’encre de Chine, qui permet de mettre en valeur l’image en la détachant de son support.
Dessin préparatoire
Johann Ludwig Aberli dessine dans les années 1770-1773 une Vue de Vevey au crayon et à l’aquarelle. Par l’inscription L. Aberli ad nat del ("L. Aberli a dessiné d’après nature"), l’artiste souligne qu’il s’est rendu sur place afin de reproduire sur le papier ce qu’il a contemplé de ses propres yeux.
Première plaque
Crayon et aquarelle vont ensuite servir de modèle à la gravure. Le tirage d’un certain nombre d’épreuves d’état, permet à l’artiste d’examiner l’évolution de l’incision sur la plaque et d’apporter les modifications qu’il juge nécessaire. Une fois la matrice jugée terminée, un premier tirage est effectué. Cette première version, contemporaine du dessin, est ici gravée par Balthasar Anton Dunker.
Deuxième plaque
Dans certains cas, si la plaque est par exemple endommagée, l’artiste peut décider d’en graver une nouvelle. Il importe donc de faire la distinction entre un nouvel état et une nouvelle plaque, entièrement regravée. C’est le cas ici : Aberli grave lui-même une plaque une dizaine d’années plus tard.
Copie
Les artistes ne gardent pas toujours le contrôle de leurs images et nombreux sont les imitateurs. Cette autre plaque, publiée à Londres en 1804, fait partie d’une série de copies de vues d’Aberli.
Du dessin préparatoire à la copie
Ces vues de Vevey paraissent à première vue identiques, or si l’on compare attentivement le trait, on remarque qu’il n’en est rien et que chaque estampe provient d’une matrice différente. Les différences entre le dessin préparatoire (en haut à gauche), la première plaque (en haut à droite), la deuxième (en bas à gauche) et la copie (en bas à droite) sont ici aisément reconnaissables.
Première état
Dans quelques cas, l’artiste réalise une plaque, qu’il retouche après coup. Dans la première version de la Vûe de la Ville de Thoune de Jakob Samuel Weibel, on note dans la partie inférieure de l’image trois pêcheurs sur une barque sur l’Aar. Il s’agit là du premier état de la feuille.
Deuxième état
Dans une deuxième version, légèrement ultérieure, quelques détails ont changé. En lieu et place du petit bosquet au premier plan, on retrouve un jeune couple se promènant au bord de l’Aar. On appercoit derrière eux un abris et une autre embarcation. Le reste de l’image est inchangé. Jakob Samuel Weibel a retravaillé sa plaque entretemps : on parle alors de deuxième état. Il en va ainsi de suite pour toute modification apportée postérieurement à la plaque.
Gouache
L’artiste se met parfois lui-même en scène, comme dans cette gouache de Caspar Wolf. Minuscule vis-à-vis des hautes falaises de la vallée de Lauterbrunnen, l’artiste, assis sur un rocher, se consacre à ses esquisses. En se mettant lui-même en scène, il reflète son propre travail.
Dès 1773, Caspar Wolf sillonne les Alpes au service de l’éditeur bernois Abraham Wagner. A partir de 1777, les vues de Wolf sont commercialisées sous forme de gravures et la présente gouache pourrait bien constituer un modèle bien élaboré pour l’une de ces estampes.
Première édition
Dans les milieux bernois, les vues des Alpes de Caspar Wolf ne suscitent pas toujours la compréhension. L’éditeur Abraham Wagner fait cependant réaliser des gravures au trait coloriées d’après les projets de Caspar Wolf. Dix d’entre elles sont publiées pour la première fois en 1777 dans un cahier intitulé Vues remarquables des montagnes de la Suisse avec leur Description. Parmi elles, cette vue de la chute du Staubbach en hiver, gravée par Matthias Pfenniger. La transpostion de cette vue dans un langage gravé métamorphose par la même occasion l’atmospière romantique qui se dégageait de la précédente gouache.
Seconde édition
Soucieux de rendre ces Vues remarquables des montagnes de la Suisse avec leur Description abordables à un large public, Abraham Wagner les réédite en 1777 dans un format plus petit et à prix réduit sous le titre Alpes Helveticae. La vue hivernale de la cascade du Staubbach par Wolf est transposée en une fine eau-forte par le graveur Johann Joseph Störklin. La bordure, richement travaillée, illustre d’ailleurs l’habileté avec laquelle les graveurs engagés par Wagner se sont mis à l’œuvre.